Savoir reconnaître l’automutilation, en comprendre les causes et connaître les prises en charge possibles.
Savoir reconnaître l’automutilation, en comprendre les causes et connaître les prises en charge possibles.
L’automutilation est un comportement complexe, qui revêt de multiples significations. On le retrouve notamment chez l’adolescent, mais aussi chez les adultes à la personnalité limite (“borderline”). Le terme d’automutilation n’a pas de définition unique communément admise.
Des comportements automutilatoires peuvent avoir une dimension religieuse ou culturelle, témoignant de l’appartenance à un groupe (marquages du corps, tatouages, piercings, implants…).
Sans ces critères ou motivations sociales ou esthétiques, l’automutilation prend un caractère pathologique.
L’incidence et la prévalence des comportements d’automutilation sont en constante augmentation dans les pays occidentaux depuis les années 60. Les études montrent que 1 à 4 % de la population générale et 12 à 35 % des collégiens, ont déjà eu un comportement d’automutilation.
Des comportements d’automutilation sont retrouvés parmi un tiers des personnes consultantes ou hospitalisées en psychiatrie. Par ailleurs, 25 à 45 % des personnes présentant un trouble alimentaire de type boulimique et 80 % des personnes diagnostiquées d’une personnalité limite, ou dite “borderline” présentent des conduites d’automutilation, le plus souvent épisodiques.
Dans 59% des cas, les symptômes commencent vers l’âge de 12-13 ans et concernent deux fois plus souvent les filles que les garçons.
Selon le Dr Thierry Bigot, des facteurs de risque sont à rechercher dans l’enfance (abus sexuel, maltraitance physique, psychologique, carences affectives et absence de sécurité ressentie par l’enfant…) et dans l’âge adulte (antécédents de violences, abus de substances addictives, comorbidités psychiatriques…).
On dénombre plusieurs types distincts d’automutilations, dont les conséquences (lésions) et localisations divergent, de par leur nature et leur gravité.
Les automutilations majeures : il s’agit le plus souvent d’actes uniques, impulsifs (ex : amputation, énucléation, castration). Elles surviennent en général dans un contexte de crise psychotique ou de prise de toxiques. Le risque létal ou/et suicidaire pour la personne dans ce type d’automutilations, est important.
Les automutilations stéréotypées : telles que des coups répétitifs ou des morsures, sont le plus souvent rencontrées chez des personnes présentant un retard mental, un trouble autistique, un trouble psychotique sévère avec arriération et/ou des troubles envahissants du développement.
Les automutilations superficielles ou modérées : Ce sont des blessures auto-infligées, intentionnelles, conscientes, n’engageant pas le pronostic vital ni fonctionnel. Elles peuvent être épisodiques, compulsives ou répétées. Ce sont les automutilations les plus fréquentes.
Concernant les types de lésions, les moyens les plus fréquemment employés sont les scarifications superficielles (80 % des cas), les coups avec bleus (24 % des cas), les brûlures (20 % des cas), les coups de tête contre les murs (15 %), les morsures (7 %). Les abrasions et introduction de corps étranger sont, quant à eux, plus rares.
Dans 80 % des cas, les zones du corps atteintes sont les avant-bras, et plus particulièrement l’avant-bras gauche. La tête ou le visage sont plus rarement affectés et leur auto-mutilation est souvent associée à des troubles psychiques sévères. L’atteinte des organes sexuels, elle, peut témoigner d’une problématique sexuelle non résolue ou d’un trouble délirant.
Les lieux de blessures auto-infligées tels que le ventre, le dos, ou les orifices sont moins fréquents et sont souvent associés à des troubles psychotiques.
de lésions sont des scarifications superficielles
des lésions sont des coups avec bleus
des lésions sont des brûlures
des lésions sont des coups de têtes dans les murs
des lésions sont des morsures
Au cours de son doctorat de sociologie, Baptiste Brossard a mené une enquête auprès de 63 adolescents et jeunes adultes rencontrés par le biais de forums Internet consacrés à la pratique de l’automutilation et au sein d’établissements de santé mentale.
L’objectif était d’analyser la pratique des blessures auto-infligées en liant trois éléments :
Le résultat de ces échanges a permis de mettre en évidence un but commun à plusieurs adolescents : l’automutilation est une pratique visant à changer délibérément son état émotionnel, et ce changement intervient pour rétablir une norme qui a été mise à mal.
Ainsi, selon les cas, l’une se sent « sale » suite à un événement apparenté à un viol, et retrouve alors partiellement une propreté symbolique. L’autre ressent de la colère, dans un contexte de violence généralisée, ne parvient pas à communiquer et se calme par la blessure afin de tendre vers une communication verbale avec sa famille. D’autres encore, cherchent à récupérer des sensations corporelles « normales » perturbées par des crises d’angoisse.